Le génie civil comprend en fait tout le domaine de la construction, ou tout au moins de son ossature porteuse ;il
inclut donc des ouvrages aussi variés que :
– le gros œuvre et les fondations des bâtiments, de toute nature ;
– les ponts, viaducs et tunnels, désignés habituellement comme ouvrages d’art ;
– les barrages, quais, écluses, bassins de radoub, digues et jetées,
– l’ossature porteuse des constructions industrielles, usines, réservoirs, canalisations,
– éventuellement, les terrassements et les chaussées.Cette liste n’est d’ailleurs pas exhaustive.
Cette définition du génie civil est différente de
celle qui était donnée il y a une trentaine d’années : le génie civil
recouvrait alors tout ce qui concernait l’art de concevoir et de
réaliser des constructions qui n’étaient ni des ouvrages de défense, ni
des ouvrages hydrauliques ou de travaux publics. Cette évolution est
probablement due à la contamination de l’expression anglaise civil engineering , qui couvre l’ensemble du domaine de la construction.
Les activités du génie civil peuvent être classées en trois phases successives :
– la conception et la définition de l’ouvrage, accompagnées d’une étude de sa rentabilité ;
– l’élaboration du projet technique détaillé ;
– l’exécution des travaux de construction.
Dès lors qu’il s’agit
d’ouvrages d’une certaine importance, ces trois étapes sont disjointes,
car, en raison de leur développement, elles requièrent chacune une telle
spécialisation qu’elles sont en général confiées à des équipes de
formations et d’expériences très différentes.
Il importe cependant de remarquer que les trois
phases de la construction doivent conserver une liaison étroite : le
concepteur d’un ouvrage doit avoir présents à l’esprit les ordres de
grandeur des dimensions des structures qui résulteront de l’étude
technique, ainsi que les méthodes de construction, car celles-ci peuvent
avoir une influence déterminante sur la forme des éléments porteurs de
l’ouvrage ; il est donc nécessaire d’instaurer un dialogue permanent
entre les différentes équipes de conception, de projet et d’exécution,
afin d’optimiser l’ensemble de l’opération.
1- Conception des ouvrages de génie civil
La
démarche de la conception d’un ouvrage est sensiblement différente
suivant qu’il s’agit d’un bâtiment, d’un ouvrage d’art, ou d’une
construction industrielle. Dans le premier cas, l’architecte y joue un
rôle déterminant, et souvent quasi exclusif, ne laissant à l’ingénieur
qu’un rôle d’exécutant ; dans le cas des ouvrages d’art, au contraire,
l’ingénieur règne en maître, et croit parfois inutile l’intervention de
l’architecte ; les constructions industrielles représentent un moyen
terme entre ces deux positions extrêmes, avec toutefois, la plupart du
temps, une tendance à la domination du projet par l’ingénieur.
Cependant, de plus en plus, la nécessité de recourir dans tous les cas
aux deux formations complémentaires de l’architecte et de l’ingénieur
s’impose, et des équipes intégrées se forment, susceptibles d’assurer à
la fois la conception, la maîtrise d’œuvre et quelquefois jusqu’à la construction complète des ouvrages " clés en main ", suivant l’expression consacrée par l’usage.
La conception d’un ouvrage exige tout d’abord
l’élaboration d’un programme, qui rassemblera tous les facteurs
susceptibles d’avoir une influence sur le projet ; le programme
comprendra :
– les données formulées par le maître d’ouvrage – objet de la construction, formes et dimensions, conditions d’exploitation, durée de vie envisagée, aspect, budget... ;
– les données relatives à l’environnement –
situation, forme et nivellement du terrain, moyens d’accès, nature du
sol, hydrologie, caractéristiques climatiques (vent, neige,
température...), techniques et architecture régionales ou locales... ;
– les données sociales – nature de l’activité exercée, comportement et besoins des occupants ;
– les données administratives et légales – lois et
règlements administratifs et techniques, normes applicables, contraintes
particulières éventuelles.
Tout cet ensemble d’éléments comprend à la fois des
données numériques, de caractère précis et intangible, qui donnent lieu à
des solutions uniques, par une démarche déductive, et des données plus
floues, mais non moins importantes, qui concernent l’univers
psychologique des occupants ou des usagers futurs de l’ouvrage ; ces
dernières données engendrent une démarche inductive, dont le résultat
peut être extrêmement variable, en fonction de la sensibilité, de
l’expérience, de l’imagination, et des qualités artistiques du
concepteur.
Il est rare que le résultat cherché soit atteint
d’emblée ; l’auteur du projet doit d’abord classer par ordre
d’importance les conditions à satisfaire, puis ébaucher une ou plusieurs
solutions, c’est-à-dire exprimer un parti, qu’il confrontera à la masse
des données. Par retouches successives, portant aussi bien sur la
programmation que sur l’ébauche elle-même, il aboutit ainsi à une
organisation de l’espace, satisfaisant à la fois les conditions
fonctionnelles et les contraintes d’ordre mécanique imposées par
l’emploi des matériaux choisis.
Le concepteur est lié par tous les impératifs
auxquels est soumise une construction. Avant tout, celle-ci se voit
assigner une fonction porteuse : elle doit se porter elle-même, et
porter les différentes charges qui lui seront appliquées. Elle doit en
outre assurer une protection des personnes et des biens qu’elle abrite
vis-à-vis des agressions extérieures de toute nature ; elle doit être
durable. Ses déformations sous l’effet des diverses actions qu’elle
subit ne peuvent excéder certaines limites. Elle doit répondre à une
exigence d’ordre esthétique, plus ou moins marquée suivant sa
destination et sa situation, et, enfin, elle doit s’inscrire dans un
budget déterminé.
Fonction porteuse
Les actions appliquées à une construction peuvent être permanentes ou variables.
Les actions permanentes comprennent :
– le poids des éléments porteurs, poutres d’un pont, poteaux et planchers d’un bâtiment ;
– le poids des éléments non porteurs
dont l’existence est imposée par la fonction de l’ouvrage (cloisons,
revêtements de sol, conduits e fumée, menuiseries pour un bâtiment ;
revêtement de chaussée, garde-corps, glissières pour un pont) ;
– les pressions éventuelles exercées sur l’ouvrage, par l’eau ou des remblais de terre.
Les actions variables, comprennent :
– les charges d’exploitation,
définies souvent par une norme (norme NF P 01-601, par exemple, dans le
cas d’un bâtiment à usage d'habitation) ou par un règlement dans le cas
d’un pont routier ; ces charges peuvent aussi être définies par la
fonction de l’ouvrage, comme c’est le cas pour un entrepôt, un magasin,
ou un plancher d’usine, et elles doivent alors comporter une marge, afin
de permettre ultérieurement des modifications éventuelles des
conditions d’exploitation ; l’expérience montre en effet que, lorsqu’un
ouvrage a été conçu de façon à satisfaire trop strictement aux
conditions prévues, tout changement de celles-ci impose des
renforcements très onéreux des structures porteuses ;
– les charges climatiques, essentiellement vent, neige et températures, définies en France par les règles NV (neige vent) ;
– les actions accidentelles,
telles que le choc d’un bateau ou d’un véhicule sur une pile de pont,
ou l’effet d’un séisme ; en France, la prise en compte de l’action des
séismes est définie par un règlement dénommé " règles PS "
(parasismiques) ;
– s’il y a lieu, on doit en outre tenir compte des
actions qui apparaissent en cours de chantier (transport et manutention
des éléments de l’ossature, circulation provisoire sur certaines parties
de la construction, accrochage provisoire de charges à l’ossature),
ainsi que des charges d’essai lorsque la vérification de la stabilité de
l’ouvrage peut être faite directement.
L’ensemble des actions et la prise en compte de leurs
différentes combinaisons pour la vérification de la stabilité des
ouvrages sont définis par les " Directives communes relatives au calcul
des constructions ", dites DC 79, du 13 mars 1979, fascicule spécial
79-12 bis du Bulletin officiel du ministère de l’Environnement et du Cadre de vie.
Cas particulier du bâtiment : partition de l’espace
Pour un projet de bâtiment,
l’étude du programme conduit à délimiter des volumes à l’intérieur
desquels vivra le groupe pour qui la construction est conçue. Ces
volumes ont des périodes d’occupation et des fonctions distinctes :
bureaux, ateliers, magasins, pièces d’habitation, sanitaires, etc. Ils
peuvent communiquer entre eux, et avec l’extérieur plus ou moins
largement, en fonction du programme. Leur forme et leurs dimensions
découlent de ce dernier. Les parois séparant les volumes entre eux ainsi
que de l’extérieur doivent répondre à certains impératifs d’isolation
phonique, thermique, ou simplement mécanique : effraction, vol, vent,
pluie, etc. Dans le cas des logements et des locaux recevant du public,
les qualités minimales d’isolation acoustique et d’inertie thermique
sont définies par des normes précises.
Enfin, une construction doit être fonctionnelle :
elle doit être conçue pour permettre, en son intérieur et, le plus
souvent, en liaison avec d’autres locaux voisins, l’accomplissement avec
le minimum de contraintes de certaines activités. On peut définir le
caractère fonctionnel d’une construction comme celui qui assure le
meilleur confort des activités.
Durabilité
Les différents matériaux
constitutifs d’une construction sont soumis à des agressions diverses
d’origine sociale (chocs, dégâts, dégradations causées par les
individus, volontairement ou non, en dehors de toute considération de
fonctionnement), d’origine fonctionnelle (abrasion, empoussièrement et
salissures, corrosion), d’origine naturelle (nappes d’eau agressives
pour les fondations telles que les eaux séléniteuses, l’oxygène et le
gaz carbonique de l’air, les rayons ultraviolets, les cycles de retrait
de l’eau dans le béton et de dilatation thermique, diurnes et
saisonniers, les cycles de gel et de dégel, la pluie, la neige,
l’érosion éolienne, l’air marin, les embruns, etc.) ou d’origine
artificielle due à l’environnement (atmosphère polluée des grands
centres urbains et industriels, par exemple nappe phréatique rendue
agressive par des nuisances industrielles).
La durée de vie souhaitable pour un ouvrage est
difficile à définir précisément. Pour un pont ou un bâtiment à usage
d’habitation, le chiffre de cent ans est souvent avancé, sans autre
justification que sa valeur ronde ; pour certaines constructions
industrielles, et en particulier les usines chimiques, les durées sont
plus courtes, de l’ordre de vingt à trente ans, en raison de l’évolution
très rapide des procédés de fabrication.
Quant à la réalisation d’un ouvrage d’une durée de
vie déterminée, elle est aussi très aléatoire : sans parler même de
catastrophes naturelles telles qu’ouragans, crues exceptionnelles ou
séismes, il est difficile d’estimer a priori la rapidité de la
dégradation d’une construction ; elle est d’ailleurs fonction, pour une
très large part, des conditions d’exploitation, et surtout d’entretien.
Du point de vue légal, le concepteur et l’entrepreneur sont tenus à une garantie décennale,
qui met à leur charge les travaux de réparation si des désordres
surviennent dans l’ouvrage ; cette garantie de dix ans, qui ne
s’appliquait naguère qu’aux bâtiments, a été étendue progressivement, au
cours de la dernière décennie, aux ouvrages de génie civil de toute
nature.
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